025: Pierre Paulin: Trop tard - Pierre Paulin

025: Pierre Paulin: Trop tard

Pierre Paulin

025: Pierre Paulin: Trop tard

025: Pierre Paulin: Trop tard  03.02.2016 — 02.04.2016, Opening 30.01.2016

<em>025: Pierre Paulin: Trop tard </em>
                        03.02.2016  —  02.04.2016, Opening 30.01.2016

025: Pierre Paulin: Trop tard  03.02.2016 — 02.04.2016, Opening 30.01.2016, Exhibition view

<em>025: Pierre Paulin: Trop tard </em>
                        03.02.2016  —  02.04.2016, Opening 30.01.2016

025: Pierre Paulin: Trop tard  03.02.2016 — 02.04.2016, Opening 30.01.2016, Exhibition view

<em>025: Pierre Paulin: Trop tard </em>
                        03.02.2016  —  02.04.2016, Opening 30.01.2016

025: Pierre Paulin: Trop tard  03.02.2016 — 02.04.2016, Opening 30.01.2016, Exhibition view

<em>025: Pierre Paulin: Trop tard </em>
                        03.02.2016  —  02.04.2016, Opening 30.01.2016

025: Pierre Paulin: Trop tard  03.02.2016 — 02.04.2016, Opening 30.01.2016, Exhibition view

<em>025: Pierre Paulin: Trop tard </em>
                        03.02.2016  —  02.04.2016, Opening 30.01.2016

025: Pierre Paulin: Trop tard  03.02.2016 — 02.04.2016, Opening 30.01.2016, Exhibition view

<em>025: Pierre Paulin: Trop tard </em>
                        03.02.2016  —  02.04.2016, Opening 30.01.2016

025: Pierre Paulin: Trop tard  03.02.2016 — 02.04.2016, Opening 30.01.2016, Exhibition view

Share :



Presentation :

 

Au XXe siècle, la définition de l'activité artistique se situait avant tout, pour paraphraser Marcel Broodthaers, dans le champ de la distribution. Aujourd'hui, avec l'essor des technologies de la mondialisation et des procédures de dématérialisation qui se sont étendues de l'art conceptuel à toutes les sphères de la culture, il faudrait parler de diffusion plutôt que de distribution pour définir le paradigme de l'art. La notion de diffusion, encouragée par les nouveaux modes de circulation et de transmission de l'information (streaming, broadcasting, etc.), devient dans la pratique artistique de Pierre Paulin quelque chose d'évanescent, d'un peu flottant, à l'instar d'une ambiance atmosphérique ou d'une fragrance. Ce parfum que Pierre Paulin diffuse est avant tout celui de la poésie.

Sur le modèle du prêt-à-porter, cette dialectique entre distribution commerciale et diffusion poétique est au coeur des deux ensembles de vêtements que Pierre Paulin présente dans cette exposition (vestes en cuir cloutées ou en jean, sweats à capuche, paires de jeans, t-shirts, etc.). Mise à part une paire de chaussures faite sur mesure, chaque habit est la contrefaçon d'un modèle issu de la grande distribution que l'artiste a fait refaire en blanc par des tailleurs. On peut dire que Pierre Paulin est un styliste au sens littéral ? ou plutôt littéraire, puisque poétique ? qui n'est pas celui de la mode vestimentaire : la production d'une collection d'habits l'intéresse moins que l'invention d'une apparence, d'une allure. Ces objets constituent donc des figures stylistiques qui deviennent à leur tour supports de diffusion textuelle. Deux essais rédigés par l'artiste (l'un sur la notion d'ambiance, l'autre sur la notion de look) sont publiés dans les poches tandis que des notes évoquant l'idée de parfum dessinent des motifs sur les doublures. Deux poèmes imprimés sur les semelles intérieures des souliers se contredisent. Un troisième se déploie sur les clous du cuir comme s'il s'agissait d'une fonte de caractères.

Les lois de l'imitation, moteur de l'innovation, constituent le principe fondamental du fait social (politique, religieux, linguistique, économique, culturel, etc.) et se propagent, comme l'a expliqué Gabriel Tarde en 1890, tel un courant magnétique au sein de la société.1 À l'ère du Tumblr, cette ondulation imitative, que Tarde qualifierait de « rénovatrice », fait l'objet d'une redéfinition singulière dans le domaine des tendances : certaines grandes marques, pour créer leurs collections, reproduisent fidèlement les looks d'internautes anonymes sélectionnés parmi le réservoir infini d'images que constituent les réseaux sociaux - le plagiat devenant ainsi le nouveau modèle post-industriel. En copiant à son tour les produits de consommation du prêt-à-porter, Pierre Paulin prolonge la boucle perpétuelle des processus de circulations culturelles réciproques qui relient la construction vernaculaire des identités et la production industrielle. La contrefaçon apparaît, dès lors, comme la réévaluation contemporaine des stratégies d'assemblage et d'appropriation culturelle qui furent érigées en modes opératoires par les avant-gardes au cours du XXe siècle.

Cette appropriation new look s'incarne chez Pierre Paulin de façon plus spontanée que les procédures appropriationnistes historiques. Elle possède une effluve plus affective et intime ; plus mélancolique, aussi. Plutôt que d'une collection de mode, mieux vaudrait-il parler de la création d'un « look » au sujet de ces deux ensembles vestimentaires qui sont accompagnés par la diffusion, dans l'espace d'exposition, d'une musique d'ambiance produite par l'artiste. En faisant l'utilisation outrancière des outils numériques de la production musicale (reverb, delay et pitch downtempo), Pierre Paulin a remixé des enregistrements de performances ou de vidéos d'artistes identifiées par l'histoire de l'art afin de produire une vapeur mélodique et mélancolique qui remplit l'espace d'exposition. L'artiste, à l'instar du « prosommateur »2, utilise des choses existantes, qu'il s'agisse de sons, d'images et d'idées véhiculés par internet, de marchandises, ou encore de fragments conceptuels érodés de la modernité, qu'il agence de façon plus sentimentale que critique, comme on compose un parfum - « Charme profond, magique, dont nous grise / Dans le présent, le passé restauré ».3 C'est ainsi que Pierre Paulin conçoit l'exposition - moins comme l'assemblage de signaux de reconnaissance identifiés que comme la production d'un look, d'une ambiance floue, d'un système de brouillage derrière lequel, à l'instar de l'essai poétique camouflé dans les poches et les doublures de ses vêtements, se cache l'artiste.


Gallien Déjean

_________________________________________________________________
1 Gabriel Tarde, Les lois de l'imitation, 1890.
2 Ce terme est une déclinaison du néologisme anglais prosumer, inventé en 1980 par Alvin Toffler pour décrire la tendance des consommateurs, grâce notamment aux nouvelles technologies, à se rapprocher de la figure du producteur.
3 Charles Baudelaire, « Le parfum », Les fleurs du mal, 1857.

Paraphrasing Marcel Broodthaers, the definition of artistic activity in the 20th century was primarily focused on the field of distribution. Today, with the rise of globalized technologies, and dematerialization processes spreading from the sphere of conceptual art to all other cultural spheres, the paradigm of art would be more appropriately defined by dissemination. Encouraged by new modes of information flow and transmission (streaming, broadcasting, etc.), the notion of dissemination in the art of Pierre Paulin becomes evanescent, as if floating, like an atmosphere, or a fragrance, which in the case of the artist is primarily that of poetry.

Following a ready-to-wear template, the dialectic between commercial distribution and poetic dissemination is central to the sets of garments presented by Pierre Paulin in this exhibition (leather studded or denim jackets, hooded sweaters, pairs of jeans, t-shirts, etc.). Except for a custom made pair of shoes, each garment is the copy of a model manufactured for mass distribution which the artist had copied in white by tailors. Pierre Paulin can be said to be a designer, in the literal, or rather literary sense of the term, since poetic, which is not the case for fashion: he is much less interested in the production of a line of garments than in the invention of a look, an attitude. These objects thus constitute stylistic figures that in turn become the tools for textual dissemination. Two essays by the artist (one about the notion of atmosphere, and the other about the notion of look) are published inside the pockets, while the notes, evoking fragrance, form various motifs on the lining. Two poems printed on the inner soles of the shoes contradict each other. And another is scattered on the studs of the leather jacket, like type fonts.  

The laws of imitation that are fueling innovation constitute the fundamental principle of the social fact (be it political, religious, linguistic, economical, cultural, etc.), and as explained by Gabriel Tarde in 1890, spread like a magnetic wave within society.1   In a Tumblr era, this imitative tide, which Tarde would coin as "reformist", experiences a singular redefinition in the field of trends: to create their lines of garments, some of the major brands faithfully reproduce the looks of anonymous internet users selected from social networks? endless flow of images - plagiarism as the new post-industrial model. By copying ready-to-wear consumer products, Pierre Paulin in turn extends the perpetual loop of reciprocal cultural circulation processes linking the vernacular construction of identity and industrial production. Counterfeiting thus becomes a contemporary re-evaluation of the cultural appropriation and assembling strategies that were erected by the Avant-garde as operating modes for artistic practice in the 20th Century.  

Appropriation is, in the case of Pierre Paulin, somewhat more spontaneous than with its historical counterparts. Its fragrance is more emotional and intimate, and also more melancholic. Rather than a line of fashion, it might be more fitting to refer to these sets of garments as the conception of a "look", associated in the exhibition space with a piece of background music produced by the artist. With an outrageous use of digital production tools (reverbs, delays and down tempo pitches), Pierre Paulin remixed sounds from performances and videos by artists identified in the History of Art, producing a melodious and melancholic vapor distilled in the space. The artist, just like a "prosumer"2, uses existing material, be they sound, images or ideas conveyed through the internet, goods, or again eroded conceptual fragments of modernity, re-arranging them sentimentally rather than critically, as one would to conceive of a fragrance - "Intense magical charm, fascinating / In present, past is restored."3 This is how Pierre Paulin conceives the exhibition - less like an assemblage of identifiable rallying tokens than as the production of a look, a blurred atmosphere, a jamming system behind which, like the poetic essays concealed in the pockets and on the lining of his garments, hides the artist.

Gallien Déjean
translated from the French by Frédérique Destribats

_________________________________________________________________
1 Gabriel Tarde, Les lois de l'imitation, 1890.
2 Invented in 1980 by Alvin Toffler, the neologism prosumer describes a trend by which consumers gradually become producers, notably through new technologies.
3 Charles Baudelaire, « Le parfum », Les fleurs du mal, 1857.