Presentation :
La nuit, certains lieux respirent l'ombre.
Musées dardés de songes invisibles, théâtres sourds abandonnés à des chorégraphies de silences, bibliothèques saturées d'absence : des antres au sommeil artificiel, vestibules étranges où le temps se pose et que les lendemains perpétuels rabattent comme une reliure sombre.
Un segment de temps invisible les étreint dans une solitude totale et les sacrifie aux caprices de l'oubli dont tous les soirs, fait semblant de s'éprendre la nuit.
Ces lieux, laissés en pâture à l'attente, ne les traversons-nous pas en songe ? Qui ne s'est jamais plu à imaginer hanter ces coulisses de la patience à des heures dont l'imagination seule exauce la mesure ?
Certaines lampes attisent un tel vertige : les théâtres ont leur « Servante », cette ampoule érigée au faîte d'une longue hampe et qui posée tous les soirs sur le plateau, est chargée de veiller durant le transit de l'ombre, la salle et les décors éteints ; comme si, le siège perpétré par la nuit, par une sorte de prestidigitation étonnante dont certaines traditions antiques n'écarteraient pas la croyance, serait à même d'engloutir à son passage le lieu entier, de le faire disparaître...
Les temples antiques avaient leurs lampes perpétuelles.
Les nôtres ont leurs vertiges oniriques que l'humilité de la Servante consacre.
Ne jamais laisser la nuit s'installer dans ces lieux que nul n'observe, à une époque où l'éclairage public scénographie le moindre de nos gestes : une lueur qui insiste en filigrane d'une scène où nulle obscurité ne persiste.
Nadia Barrientos